|
|
Je ne fais que passer
Frédéric Jeorge
zarkass@gmail.com
Février 2002
Disclaimer
Cette histoire est une fanfiction basée sur la série « Quantum Leap » (Code Quantum en français). Le concept et les personnages cités appartiennent à leurs auteurs et ayant-droit, je ne fait que leur emprunter sans aucune intention de nuire, bien au contraire. Merci à ma Môman, à Samalia et à Poupov pour la relecture et les corrections, et à toute l’équipe de Quantum Leap pour avoir créé cette série fabuleuse.
"Theorizing that one could time travel within his own lifetime, Dr. Sam Beckett stepped into the Quantum Leap accelerator and vanished .... He woke to find himself trapped in the past, facing mirror images that were not his own and driven by an unknown force to change history for the better. His only guide on this journey is Al, an observer from his own time, who appears in the form of a hologram that only Sam can see and hear. And so Dr. Beckett finds himself leaping from life to life, striving to put right what once went wrong and hoping each time that his next leap will be the leap home."
Plus d'information
La fiche du "monde des séries" - Le site de loleap -
La fiche d'IMDB
- 1 -
Eclairs, lumière, sifflement d’enfer et grondement de tonnerre, le prodige de la transmutation a lieu une fois de plus. Sam Beckett retient son souffle, il n’ose pas bouger, seuls ses yeux s’agitent en tous sens alors qu’il cherche d’urgence à deviner la date, où il se trouve, et – surtout – ce qu’il est devenu. Au cours de ses sauts temporels, trop de précipitation à l’arrivée a bien failli lui être fatal à plusieurs reprises, mais il a retenu la leçon.
Il est debout, appuyé au linteau de la cheminée d’une pièce meublée dans le style des années cinquante. Toutefois, une impression étrange se dégage des meubles et des murs, un effet artificiel des plus déroutants. Il n’en saura pas plus sans bouger, alors lentement, ne sachant comme jamais à quoi s’attendre, il se retourne. Un éclat éblouissant lui fait plisser les yeux, il lève une main pour s’en protéger et se force à regarder malgré tout. Trois caméras le fixent de leur œil morne et, malgré le contre-jour des projecteurs, il distingue de nombreuses silhouettes se tenant en bordure du champ. Au dessus de lui, un micro se balance au bout de la perche qu’un technicien fatigué maintient à bout de bras.
- Coupez !
C’est un cri, c’est un ordre, c’est aussi la clé de ce que Sam est devenu. « Oh bravo ! Je suis un acteur… » se lamente le physicien.
Un homme rondelet, au crâne dégarni et à la courte barbe grise, quitte le plateau et s’avance vers lui d’un pas décidé.
- Et bien alors, que t’arrive-t-il ? As-tu oublié ton texte ?
- Euh… oui, j’ai… comme un trou, là. On peut faire la pause ?
- Encore ! On n’est déjà pas en avance, ce n’est pas sérieux, Scott. Bon, dix minutes, pas plus.
- Ok, promis, je reviens vite.
Sam enjambe les faisceaux de câbles qui courent entre les caméras et les projecteurs, quitte le plateau où les techniciens profitent du répit pour se reposer un instant ou préparer la scène suivante, et se dirige vers les caravanes qu’il a repérées au fond du studio. Ne sachant pas quelle est la sienne, il se repère aux noms indiqués sur les portes jusqu’à trouver enfin celui par lequel le metteur en scène l’a appelé quelques instant avant. Qu’a-t-il dit, déjà ? Ah oui, Scott. Voilà c’est là, une caravane plutôt grande, proche du plateau, qui porte le nom « Scott Bakula » au-dessus de la porte. Sam s’apprête à y entrer quand une silhouette familière portant un extravagant chapeau rouge attire son attention. Avec un grand sourire, il s’avance vers elle, avant de s’immobiliser brusquement quand une stagiaire bouscule l’apparition en s’excusant. Depuis quand les hologrammes se font-ils bousculer ?
- Al ? appelle-t-il d’une voix peu assurée.
L’interpellé se retourne, et Sam blêmit en le voyant. Même taille, même corpulence, surtout mêmes vêtements inimitables, l’homme ressemble fortement à son meilleur – et seul – ami, mais… ce n’est pas le bon. Si ce n’est lui, c’est donc son frère, mais ça ne résout pas l’absurde question. Que signifie cette improbable ressemblance ?
- Oh, Scotty, ça va ? On dirait que tu as vu un fantôme. Et puis je te rappelle qu’on ne tourne pas, là, pas la peine de m’appeler « Al ».
Sam cherche désespérément une réponse cohérente, quand l’interruption d’une maquilleuse le tire de ce mauvais pas.
- Monsieur Stockwell, si vous voulez bien venir, il faut que je vous prépare pour la scène suivante.
Sam secoue la tête. Allons, ce n’est pas parce qu’un hasard lui a fait confondre Al avec un homme de cette époque qu’il doit se laisser démonter. Dans la caravane, point de journal ni de calendrier, mais une revue nautique qui lui apprend que la date est au moins février 1989. D’après les indices qu’il réunit de-ci de-là, il n’est pas dans la peau de l’une des plus grandes stars d’Hollywood, mais tout de même bien plus qu’un simple figurant. Tiens, d’ailleurs, quelle est sa tête ? La glace de maquillage, dans le coin, le lui apprendra.
Sam n’a jamais été cardiaque ni même particulièrement impressionnable, mais il manque s’étrangler en s’asseyant devant le miroir. Le visage allongé, la fossette sur le menton, même la mèche blanche, à part la profondeur du regard tout y est, à croire qu’il a enfin atterri dans sa propre peau. Pourtant, non, quelque chose lui dit bien que ce Scott Bakula est une personne à part entière, mais la ressemblance est frappante. D’abord le sosie de son ami, maintenant, lui-même qui se découvre un faux jumeau ou un frère, voilà qui est inédit !
- Al, où es-tu mon vieux ?
- Ici, Sam…
L’hologramme vient d’apparaître dans sa porte de lumière, un air consterné sur le visage.
- Non mais tu as vu la tête que j’ai ? J’ai mon visage ! Enfin, presque, et là juste dehors, je t’ai vu, ou plutôt un type qui… Enfin, pourquoi suis-je là ?
- On y travaille, et je crois que Ziggy sait plus de chose qu’elle ne veut l’avouer. Ce dont on est certain pour l’instant, c’est que tu es en Californie, le 25 mars 1989.
- Et ce Scott Bakula, qu’est-ce qu’il dit ?
- Ah oui, lui… Tu sais, on en a vu passer des vertes et des pas mûres dans la salle d’attente depuis que tu te transmutes. Des gens terrifiés, d’autres qui se croient enlevés par le gouvernement ou des extra-terrestres, des prostrés et des provocateurs… Mais jamais encore on a eu de visiteur mort de rire au point de ne plus pouvoir se relever. Tout ce qu’il arrive à dire, c’est « Terrible, Donald ! » et « Excellent, Dean ! ».
- Qu’est-ce que ça signifie ? Il se croit victime d’une plaisanterie ?
- On dirait… J’y retourne, j’espère qu’il s’est un peu calmé entre temps et que je pourrai en tirer plus d’information. Toi, eh bien, joue ton rôle comme tu peux.
- T’es marrant, toi, je dois être sur scène dans trois minutes et n’ai aucune idée de mon texte !
- Improvise, je ne peux rien te dire de mieux pour l’instant.
Sitôt Al reparti, Sam se met à fouiller fébrilement le bureau à la recherche du script ou de sa feuille de dialogue. A moins que celui qu’il incarne improvise ou connaisse tout son rôle par cœur ? Ah si, le livret bleu, là, c’est sans doute cela. Le scientifique écarte les revues couvrant en partie le scénario, et il sent un frisson glacé lui remonter le long de la colonne vertébrale en lisant le titre imprimé sur la couverture : « Quantum Leap ». Cette fois, impossible que ce soit une autre coïncidence ! Comble de l’aberrant, les phrases surlignées au Stabilo jaune sont les répliques d’un personnage nommé… Sam Beckett. Son cerveau génial fonctionne à plein régime pour tenter de démêler l’écheveau de l’impossible, mais il ne parvient qu’à en tirer un violent mal de tête. Sans autre choix, il quitte à regret l’abri relatif de la caravane et retourne vers le plateau en lisant les paroles – ses paroles ! – qu’il va devoir réciter devant la caméra. Tiens, d’ailleurs la formule mathématique citée ici est fausse, il la corrige sans même y penser.
Les heures qui suivent sont un véritable cauchemar pour Sam. Ce n’est pas tant qu’il soit devenu un acteur – ce n’est pas la première fois que cela lui arrive, et de toute façon ses nombreux sauts lui ont appris à jouer la comédie de façon plus intime qu’aucune star le fera jamais – mais se jouer, lui, se baladant à travers le temps, passant de la peau d’un personnage à l’autre en essayant de réparer les erreurs du passé, et espérant chaque fois que son prochain saut le ramènera chez lui et lui rendra enfin son vrai visage. Que son destin tragique soit tourné en comédie, que sa solitude et ses angoisses soient jetées devant l’œil incisif et cruel du petit écran, que ses romances et ses amours soient exposées à la face de tous est une expérience des plus pénibles. L’équipe technique se rend bien compte qu’il n’est pas dans son état normal, et c’est sur un dernier « coupez ! » impérieux que le réalisateur met rapidement fin à la journée de tournage.
- Que t’arrive-t-il, Scott ? Tu fais un bien piètre Sam Beckett, aujourd’hui. Peux-tu passer me voir dans mon bureau ?
Donald le fait asseoir, lui sert un verre et prend place dans son grand fauteuil de cuir.
- Scott, tu m’inquiètes aujourd’hui… Tu sais que si on ne fini pas cet épisode à temps, Universal va nous couper les crédits ; et pourtant tu t’obstines à ralentir le tournage, ce n’est pas raisonnable ! Tu cherches à couler Quantum Leap ou quoi ?
- Non ! Enfin, pas le Projet Quantum. Je… suis un peu désorienté aujourd’hui. Dis-moi, Don, qu’est ce qui t’a donné l’idée de cette série ?
Le réalisateur se relève et fait quelques pas avant de se tourner vers Sam et de le fixer droit dans les yeux.
- Cela fait des mois que l’on travaille ensemble sur ce projet, pourquoi me demandes-tu cela maintenant ?
- Ca m’intéresse, c’est normal, non ?
- Officiellement, je dis que l’inspiration m’est venue de vieux films de science-fiction et d’une pincée d’imagination…
- Et officieusement ?
- Tu me promets de ne pas rire ?
- Eh, c’est moi, tu me connais !
- Ben oui, justement… Officieusement, c’est une cousine qui m’a donné le thème. Il y a eu un moment éprouvant dans sa vie, le 18 juin 1958. Elle et sa fille ont été prises en otage par un terrible tueur en série, Leon Stiles. Je ne pense pas que tu te souviennes de cette histoire, tu étais trop jeune à l’époque, mais ce type a fait couler pas mal de sang et d’encre. La situation semblait désespérée, quand le psychopathe analphabète a tout à coup changé radicalement de comportement, il s’est mis à raconter une histoire abracadabrante, comme quoi il était devenu un docteur et un physicien du futur, et le mieux c’est qu’il avait les preuves mentales pour appuyer ses dires… Quelques années plus tard, ma cousine m’a décrit tout cela alors que je cherchais des idées de scénario et… voilà. Ca ne va pas, Scotty ? Tu es tout pâle.
- Non non, ça va, juste un peu de fatigue. Mais pourquoi… enfin, je veux dire, qu’est-ce qui t’a fait me choisir pour… interpréter Sam, et Dean pour jouer Al ?
- Bah, je ne sais pas trop, je trouvais que vous correspondiez bien aux rôles. Dean, c’est même toi qui me l’a recommandé dans un premier temps. Et pour les scenarii, je vais te faire une confidence, ils me viennent souvent la nuit, dans mon sommeil. Va savoir, ils me sont peut-être inspirés par le Maître d’oeuvre en personne !
Le producteur se fend d’un clin d’œil enjoué avant de se resservir un verre. Un nuage de fumée holographique le traverse un instant sans – bien sûr – qu’il y prête attention.
- Bon sang Sam, te rends-tu compte de ce que cela signifie ? dit Al en tirant à nouveau sur son cigare.
- Tu parles d’une probabilité !
Bellissario se retourne.
- Je te demande pardon ?
- Je disais « Content de faire ce métier »… quand c’est pour travailler sur une série pareille.
- Ah, c’est gentil ça. Maintenant si tu veux bien m’excuser, j’ai rendez-vous avec les pontes d’Universal. Je dois les convaincre de continuer à nous financer au moins la saison en cours, ça ne va pas être évident.
Resté seul dans le bureau décoré d’affiches de cinéma, Sam peut enfin discuter librement avec Al, tout aussi stupéfait que lui de l’extraordinaire coïncidence.
- Tu crois que c’est… Lui, qui inspire Bellisario ? demande l’hologramme, en pointant discrètement le ciel.
- Allons, quel intérêt cela aurait-il ? Non, c’est sans doute un hasard… Impressionnant, certes, mais un hasard quand même. Quand j’étais dans la peau de Stiles, parti comme j’étais, j’ai du pas mal bavarder, je ne m’en souviens plus très bien. La cousine de Donald lui a fidèlement transcris mes paroles, voilà tout.
- Ah oui, et comment expliques-tu qu’il ait choisi des acteurs qui nous ressemblent autant ? Je doute que tu lui aies décrit ma tête à ce point-là, surtout que je n’étais même pas avec toi ce jour-là, puisque je courais après Léon.
- Mathématiquement, la probabilité n’est pas nulle, cela peut malgré tout être dû au hasard… Demande à Ziggy, tu verras bien.
- Incorrigible cartésien ! En attendant, on n’a pas avancé pour découvrir ta mission.
- Ah mais si, elle est même très claire pour une fois. Il faut empêcher ce show monstrueux de continuer, avant qu’il compromette le secret et donc la sécurité du Projet. Je dois couler la série « Quantum Leap ».
- 2 -
Sam achève de parcourir la disquette qu'il a obtenue de la production, celle qui contient tous les scripts et les données techniques de la série. S'il y a un avantage à se transmuter à une date assez récente, c'est bien l'existence des ordinateurs ; ils manquent beaucoup au physicien quand il se retrouve dans les années 50 ou 60. Bien sûr, entre les surprocesseurs neuronaux de Ziggy et l'Atari ST qu'il a entre les mains en cette année 1989, on sent bien les décennies qui les séparent, mais c'est toujours mieux que rien.
Soudain apparu à ses côtés, Al se penche pour lire par dessus l'épaule de Sam qui sursaute violemment en le remarquant.
- Franchement, si j'avais su que tu abuserais à ce point de tes dons d'hologramme, j'aurais ajouté une clochette au caisson holographique, au moins je t'entendrais approcher !
- Tu devrais pourtant t'y faire, à force. Du nouveau ?
- Un gros dilemme surtout. Couler un simple show télévisé ne me pose pas trop de problème, mais je m'inquiète de la répercussion que cela va avoir sur l'équipe qui l'a monté, pour pouvoir agir le plus en douceur possible. Et ça ne va pas être évident. Les acteurs trouveront d'autres rôles et les techniciens ne sont pas trop impliqués, ça va…
- Mais Bellissario ?
- C'est là qu'est le problème. Il s'est beaucoup investi dans ce projet, il a emprunté à tout le monde pour financer le lancement... " Quantum Leap " lui tient vraiment à cœur. Je peux essayer de proposer simplement des changements de scripts, pour petit à petit l'éloigner le plus possible de la réalité avant qu'elle soit largement diffusée ; mais outre que ça va être très long, rien ne dit que l'on me laissera faire. Qu'en dit Ziggy ?
- Elle est... de mauvaise humeur.
- Oh non, pas encore ! Bon sang, mais qu'est-ce qui m'a pris de la doter de sentiments…
- As-tu oublié que c'était un pur effet secondaire de la technologie hybride neuronale ?
- Eh… Oui. Mais maintenant que tu le dis… Bon, cela veut dire qu'elle ne veut pas nous aider ?
- En fait elle n'arrive pas à valider le but de ta mission, aussi claire te semble-t-elle. Par ailleurs… Mama mia !
L'hologramme vient de remarquer la demoiselle qui entre dans la caravane, il lui tourne autour comme une abeille devant une nouvelle fleur et laissant échapper toute une gamme d'expressions variées visant à complimenter certains achèvements de la gent féminine.
- Al, je t'en prie !
La jeune femme pousse un long soupir et enlace amoureusement Sam.
- Tu pourrais peut-être arrêter de répéter ton texte quand je suis là, non ? Dean n'est même pas avec toi pour te donner la réplique.
Al secoue la tête et empoigne son ordinateur de poche.
- Euh, c'est ta femme, Krista Neumann. Vous êtes mariés depuis 1981 et divorcerez dans quelques années. J'ai d'autres données si tu veux, mais rien de spécial à signaler. Ah, par contre ça c'est intéressant, Ziggy se décide enfin à dire pourquoi elle ne s'y retrouve pas. Si tu pouvais t'isoler un instant que l'on discute…
Résistant tant bien que mal à la jeune femme qui semble vouloir le dévorer à force de le couvrir de baisers, Sam s'excuse et se glisse un instant dans les toilettes où son ami holographique l'attend déjà.
- Dis-donc, espèce de veinard, sacré nana celle-là encore. Elle me rappelle une fille que j'ai connue à Los Angeles il y a quelques années.
- Elle s'appelait comment ?
- Je ne sais pas, je n'ai pas demandé. On ne peut pas tout faire en même temps, hein…
Sam secoue la tête d'un air désespéré, puis il presse Al d'en venir aux faits, pour une fois.
- Bon ça y est, Ziggy nous a enfin débloqué l'accès aux infos, et si elle était dans cet état-là, c'est qu'elle est presque certaine d'avoir détecté… un autre voyageur temporel.
- Oh bravo, tu crois qu'Alia est revenue ?
- Comment savoir ? On en a perdu toute trace la dernière fois. Ziggy et moi craignons que ce soit plutôt Zoey. Elle a dû survivre et t'en vouloir à mort. Avec un peu de malchance elle a retrouvé ta trace dans le temps et va vouloir t'éliminer.
- Et elle y arrive ? Je veux dire, que dit l'histoire, ce Scott Bakula meurt-il assassiné ?
- Oh non, il est en parfaite santé et fait toujours des films et des séries à notre époque, mais sait-on jamais, tout peut chambouler d'un instant à l'autre en fonction de vos actions là, en 1989 !
- Et dans qui est-elle ?
- Aucun moyen de le savoir. Tout ce que je peux suggérer, c'est que tu continues ta mission, mais méfie-toi, quelqu'un de nuisible sait peut-être qui tu es ! Je vais t'escorter autant que possible et te servir d'yeux dans le dos, mais en même temps il faut bien que je m'occupe du type en salle d'attente si tu veux pouvoir accomplir ta mission et leaper autre part, ce qui est peut-être encore le plus sûr…
Deux petits coups secs se font entendre à la porte de la salle de bain.
- A qui parles-tu, Scotty ?
- A personne ! Je… répète mon texte.
- C'est ça, avoue plutôt que tu causais en douce avec Al !
Les deux amis se jettent un regard inquiet, mais Krista part d'un petit rire.
- En tout cas Don ne peut pas dire que tu ne prends pas ton rôle à coeur. Allez viens quand même, on a mieux à faire…
Entre l'inquiétude de Sam et son manque évident de motivation à tourner une série qu'il veut de toute façon faire couler, les prises suivantes sont exécrables. Le réalisateur est au bord de la crise de nerf, les techniciens se disputent les uns les autres et le moindre incident prend des allures de drame. C'est bien malgré lui et en dépit des retards de planning que Bellisario signale prématurément la fin du tournage pour la journée.
Mal à l'aise et penaud, détestant détruire plutôt qu'oeuvrer à préserver, Sam se rabat piteusement vers sa caravane quand Donald l'intercepte au passage, en traversant Al qui vient d'apparaître et s'écarte, faussement indigné.
- Mais qu'est-ce que tu fiches, Scott ! Encore une seule journée comme ça et on pourra dire adieu à Quantum Leap ! On était déjà sur la corde raide, maintenant on a perdu le balancier et le vent se lève. Je suis sérieux, la situation n'a jamais été aussi grave. Universal est pratiquement décidée à nous couper les crédits ; j'ai seulement pu les convaincre d'envoyer des observateurs sur le plateau pour qu'ils voient bien que l'on ne gaspille pas d'argent et que l'on va rattraper le retard. Ils seront là demain après-midi, mais au rythme où vont les choses, c'est carrément un miracle qu'il nous faut pour sauver la série, ou au moins une intervention bienveillante de Sam Beckett !
Le leaper fait la grimace tandis qu'Al sursaute.
- Sam, il faut à nouveau que l'on parle, c'est urgent !
- Ca y est enfin, Ziggy est parvenue à une première estimation de la situation. Si cela fut si long, c'est que l'influence du show ne se limite pas à la vie de ceux qui le font, mais qu'il va toucher, même subtilement, celle de tous ses spectateurs à travers le monde. Imagine le boulot, Ziggy est en pleine surchauffe, tout le monde dans le labo est en doudoune depuis qu'elle a poussé la clim à fond pour ajouter à son refroidissement.
- Moralité ?
- La série Quantum Leap est fondamentalement, intrinsèquement et objectivement… bonne ! Elle fait du bien, véhicule toutes les valeurs positives qui sont les tiennes et incitera des millions de fans - dans les années à venir - à être plus à l'écoute des autres, à se mettre à leur place pour mieux les comprendre, à découvrir l'altruisme, la tolérance et la compassion… A moindre puissance mais à plus grande échelle, elle remplit ta propre mission ! Il faut à tout prix la sauver, d'autant qu'elle ne présente aucun risque pour le véritable projet, il n'y a qu'à voir les épisodes où elle décrit " notre " présent des années 90 pour lui ôter toute crédibilité historique. Et puis, tout le monde sait que le voyage dans le temps est impossible, n'est-ce pas ?
- Qu'est-il arrivé dans l'histoire originale ?
- Ziggy a bien du mal à faire la différence et à verrouiller des évènements, tant la présence de l'autre leaper la perturbe. Toutefois, pour ce que l'on sait à présent, mars 1989 fut une période terrible, tout sembla se liguer contre la série, entre une série mystérieuse d'accidents de plateau, l'évidente mauvaise volonté des distributeurs et surtout, pire que tout, la coupe drastique de financement qui sera déci…
Al s'interrompt brusquement et tapote son handlink avant de reprendre.
- …dée ! "décidée", donc… demain soir. Sam, il faut que d'ici là tu les convainques de continuer à alimenter le budget, car sinon Don va s'entêter à continuer seul, mais il ne peut pas assurer. Faute de salaires et de moyens, l'équipe part en débâcle, les effets spéciaux sont négligés, la distribution inexistante. La série s'arrête dès 1991, après un brillant début puis une chute vertigineuse de l'audience.
- Mais… que je veux-tu que je fasse à moi tout seul pour quelque chose décidé par tant de personnes ?
- Honnêtement ? Je n'en ai pas la moindre idée, mais tu as intérêt à en trouver une rapidement. Je retourne voir Scott Bakula, pour voir s'il a quelques informations sur la question. A tout à l'heure.
- Al, attend !
Trop tard, dans une dernière trille électronique, l'hologramme disparaît.
- 3 -
"Je passais une bonne partie de la soirée à compiler toutes les données que je pouvais trouver, mais elles ne m'aidaient pas vraiment. Tandis que tout semblait bien parti pour la série, dont la courte première saison avait reçu un accueil très favorable, les choses se mirent soudain à dérailler, sans raison apparente. Sauf une, et qui a le don de m'irriter. Il s'agit de show-business, domaine où j'ai croisé quelques-unes des plus irrationnelles personnes qui soient, tant dans ma carrière de scientifique que celle de voyageur temporel. Avec eux, pas besoin de motif ou de prétexte ! Il suffit d'un mot de quelqu'un bien placé pour qu'un acteur médiocre passe à l'écran ou qu'un projet passionnant tombe aux oubliettes… Mais… voilà ! C'est ça l'élément perturbateur, Zoey doit être dans la peau de quelqu'un d'assez influent pour m'empêcher d'accomplir ma mission et donc me retenir plus longtemps ! Al ! Al ! Bon sang, il n'est jamais là quand il faut…"
Trois coups frappés à la porte de la caravane interrompent les pensées du leaper, une voix de jeune fille se fait aussitôt entendre.
- Sam ? Sam Beckett ? Il faut absolument que je vous parle !
Sam est glacé d'horreur, ça y est, Zoey l'a retrouvé, il est trop tard. Un rapide coup d'œil lui confirme que la porte est la seule issue à la caravane. Mais d'autres pas se rapprochent, des voix graves et sèches.
- Ah, tu es là, toi. On t'a pourtant dit de laisser les acteurs tranquilles, le studio est interdit aux visiteurs !
D'autres coups, plus forts, résonnent sur la porte. Sam se ressaisit et va ouvrir. Deux vigiles encadrent fermement une adolescente surexcitée.
- Désolé monsieur Bakula, encore une admiratrice qui s'est faufilée dans le studio.
Le physicien scrute intensément le regard de la jeune fille, mais pas de doute, elle n'est que ce qu'elle prétend être. Soulagé, il lui accorde un grand sourire et va même jusqu'à signer la photo qu'elle lui tend. Après tout, le sauvetage de la série passe peut-être par ses fans.
Encore un peu secoué, Sam quitte enfin le studio, en consultant un plan de la ville pour trouver " son " domicile, quand au détour d'un coin sombre il bouscule une femme aux longs cheveux bruns. Il s'agenouille et l'aide à se relever, confus, lorsque d'un mouvement de tête elle remet ses cheveux en arrière, dévoilant son visage à la lumière d'un lampadaire.
Le physicien la lâche, tombe assis par terre. Il ne peut que répéter
- Ab… Ab… Abigail ?
- Non, je suis Melora Hardin. Mais je sais pourquoi tu me prends pour Abi, Sam.
- Sam ? Non, je m'appelle Scott.
- Oui, bien sûr. Tu es dans la peau de Scott Bakula, mais moi je sais qui tu es vraiment. Et n'espères pas que je sois encore une fan en manque de sex-symbol qui ne sait plus faire la différence entre l'acteur et son rôle. Je te connais trop bien, Sam Beckett. Tu ne peux cacher tes yeux.
Sam se relève d'un bond et s'enfuit en faisant à nouveau chuter la jeune femme, volontairement cette fois. Ce n'est pas qu'il aime à ce point fuir devant le danger, mais il veut d'abord trouver un moyen de se débarrasser de Zoey sans risquer de faire du mal à l'actrice dont elle occupe le corps. Toutefois, l'autre leaper n'entend pas se laisser distancer aussi facilement.
- Sam, attend !
Le physicien entend bientôt des pas précipités qui se lancent à sa poursuite, résonnant exactement en synchronisation avec les siens. Il tourne à droite, puis à gauche, à gauche encore et… c'est l'impasse. Acculé, il se retourne pour voir la jeune femme qui lui rappelle si douloureusement sa bien-aimée du temps s'avancer lentement vers lui. Toutefois, elle a les mains tendues vers lui, paumes ouvertes, montrant bien qu'elle n'a pas d'arme.
- Alors, n'es-tu pas curieux de savoir qui je suis ?
- Zoey ?
- Ah ah, non. Essaye encore.
- Alia ? Alia, c'est toi?
- Toujours pas. Touche ma main plutôt que mes vêtements, cette fois-ci, et tu verras bien.
Ils ne sont plus qu'à un mètre l'un de l'autre, debout dans le cercle de lumière d'un lampadaire qui les isole du reste d'un monde perdu dans l'obscurité. Sam tend le bras à son tour. Qu'a-t-il à perdre ? Au moins il sera fixé. Les leapers se serrent la main comme pour se saluer, et Sam est surpris par la poigne vigoureuse de la jeune femme. Aussitôt, tandis que leurs ondes cérébrales se synchronisent, selon le mystérieux phénomène qui fait se reconnaître entre eux les voyageurs temporels, Sam voit le corps de la jeune actrice grandir, ses cheveux se réduisent, son visage s'allonge, ses membres s'épaississent… Quelques secondes plus tard, le physicien a en face de lui… lui-même, son vrai corps, pas l'acteur qui lui ressemble comme un frère. Il en a les larmes aux yeux, surtout que l'homme qu'il dévisage a bien dix ans de plus que la dernière image qu'il gardait de lui-même.
- Sam ? Moi ?
- Oui Sam, toi. Au cours d'un leap que tu feras dans quelques années pour aider Melora Hardin à se sortir d'une mauvaise passe. Imagine le choc quand je me suis regardé dans la glace et que j'ai vu cette fille qui ressemble tant à Abigail ! Tu parles d'un hasard… ou d'une blague du Destin, décidément très joueur.
- Mais qu'est-ce que je… tu… enfin pourquoi es-tu là ?
- C'est pour ta mission actuelle, Sam. A l'époque, je ne l'ai accomplie que de justesse, un résultat en demi-teinte qui n'a pu que limiter les dégâts. La tâche était trop difficile pour moi seul, alors quand je me suis aperçu hier que je venais de leaper à la même date dans une ville proche, j'ai trouvé l'occasion unique de me… de te donner un coup de main. Ecoute-moi bien, on n'a pas beaucoup de temps. Universal n'est pas fondamentalement contre Quantum Leap, mais il y a un traître dans l'équipe de Bellisario, un gars bien introduit que l'on soupçonne payé par un adversaire de Donald. C'est lui qui provoque les accidents sur le plateau et fait courir des bruits négatifs. Comme Al va te l'apprendre dans quelques instants, demain l'un de ces sabotages va aller plus loin que prévu : une rampe de projecteurs va tomber et blesser grièvement plusieurs personnes, entre autre l'observateur qui doit décider de l'avenir de la série. Forcément, se retrouver clouer dans une chaise roulante ne laisse pas une excellente impression. La dernière fois, j'ai choisi de sacrifier le tournage pour les sauver. Du coup, ils s'en sont sortis et le traître a été exposé, mais ils ont gardé l'image fort négative d'une série peu fiable, que l'on sabote etc. Mais puisque nous sommes deux cette fois-ci, tout peut aller pour le mieux. Je me charge du traître, puisque je sais qui et où il est. Toi, joue le rôle de ton mieux, laisse-leur une bonne impression. Mais gare au timing, je dois partir à 5 heures dernier délai pour finir ma propre mission.
- 4 -
La nervosité de Sam ne facilite pas la tâche de sa maquilleuse qui tente de le préparer. A quelques mètres de là, après les loges, le plateau vibre sous l’activité acharnée des techniciens, des décorateurs, des éclairagistes. Chacun dans l’équipe sait que cet après-midi se joue la dernière chance de la série et ils tiennent à donner le meilleur d’eux-mêmes.
Al apparaît soudain derrière Sam, enfoncé à mi-corps dans celui de la maquilleuse qui se met soudain à rire, sans raison.
- Ah Sam, j’adore ça, même sous forme d’hologramme, quel succès !
- Oui, tu l’as déjà dit.
La jeune femme s’interrompt un instant.
- Je vous demande pardon, monsieur Bakula ?
- Non non, rien, je répète mon texte avec Al, ne vous occupez pas de moi. Alors, Al, es-tu allé voir dans les coulisses si j’y suis ?
- Non mais je t’en prie ! Petit marrant, va. Oui, tu y es, tu m’as même pris pour ton Al. D’ailleurs regarde bien mon chapeau. S’il est rouge, c’est ton moi. Enfin, le Al de ton époque. S’il est vert, c’est celui du futur. C’est juste dommage que je ne puisse pas le voir, cet autre moi… Encore que, à la réflexion, c’est peut-être mieux ainsi. Même hologrammes, on se battrait pour les filles…
- Comment se déroule le plan ?
- Pour l’instant tout baigne, concentre-toi sur ton rôle et tout ira bien !
A ce moment, la maquilleuse repose ses poudres.
- Voilà monsieur. Bon courage, j’espère vraiment que Quantum Leap va continuer. J’aime tellement votre personnage !
- Moi aussi j’espère continuer… A tout à l’heure.
Sur la scène, une séquence mineure est un plein tournage, chacun retient son souffle, attentif à ne pas faire le moindre bruit. En attendant son tour, Sam repère à l’angle opposé, confortablement installés dans des fauteuils de toile, trois personnes en costume sombre tenant des carnets de notes sur les genoux. Sans doute les observateurs. Mais l’autre Sam, où est-il donc ? Un assistant s’approche.
- Entrée en scène dans cinq minutes, soyez prêt.
Le leaper sursaute quant Al jaillit brusquement de la caméra devant lui. Les cheveux plus gris que noirs, quelques rides de plus sur le front et au coin des yeux, c’est celui au chapeau vert, celui du futur.
- Sam, viens vite !
- Je ne peux pas, je dois jouer dans quelques instants ! Que se passe-t-il ?
- Le traître t’a surpris en train de réparer son sabotage, il t’a assommé, a tranché une corde de plus et d’après Ziggy, cette fois l’observateur n’est pas blessé, mais tué ! Tu dois intervenir ; tant pis pour la série… Vite !
Esquivant les tentatives paniquées de la scripte qui tente à tout prix de le retenir, Sam file vers les coulisses, où il trouve à l’endroit indiqué par Al son futur lui, évanoui mais curieusement peu ridicule dans la jolie robe à fleurs de l’actrice qu’il incarne. Il secoue son double, lui jette un verre d’eau sur le visage jusqu’à ce que - enfin ! - il reprenne connaissance.
- Sam, Sam ! Ca va ?
- Oui Sam, mais retourne vite sur scène, sinon tout cela n’aura servi à rien. Le bougre m’a eu par derrière, mais maintenant je ferai plus attention. Vas-y !
Derrière eux, des voix angoissées, celle de Bellisario couvrant les autres, appellent partout Scott Bakula.
- Tu dois y aller Sam, c’est la dernière chance de sauver ta mission et la série !
Soudain, au même instant, deux Al apparaissent, chacun étant visible par les deux Sam mais ne se voyant pas entre eux. Presque d’une même voix pourtant, ils s’écrient
- Les projecteurs bougent dangereusement, Ziggy dit qu’ils vont tomber dans quelques secondes !
Sans avoir besoin de se concerter, après tout, ils sont la même personne, le Sam du futur disparaît dans les coulisses à la poursuite du saboteur tandis que celui du présent file vers la scène. Renversant au passage un caméraman, arrachant un morceau du décor, il saute sur les trois observateurs en étendant les bras pour les agripper tous ensemble à la fois, et il les renverse en arrière avec leurs chaises. A peine sont ils tous tombés - dans un bruyant concert de protestations outrées - que la pesante rampe portant une rangée de projecteurs d’ambiance cède et s’écroule lourdement, détruisant une caméra et engloutissant la petite estrade ou se trouvaient quelques instants auparavant les envoyés d’Universal.
Un grand silence s’abat dans le studio tandis que se dissipent la fumée et les étincelles de l’accident. Un à un, les observateurs se relèvent et aident Sam à faire de même. Bellisario et d’autres membres de l’équipe se précipitent à leur rencontre.
- Nom d’un chien, vous n’avez rien ?
- C’est bien grâce à monsieur Bakula. Nous vous devons certainement la vie, Scott ! Que s’est-il passé, Donald, j’ai peine à croire que les négligences que l’on m’a rapportées de votre part aillent jusqu’à rogner les cordes des projecteurs !
Tout en continuant d’épousseter ses vêtements, Sam s’avance d’un pas tout en écoutant les informations qu’Al lui transmet.
- En effet monsieur, Donald n’y est pour rien, bien au contraire. Il y a un traître dans l’équipe, Douglas Jackson, preneur de son. Vous le trouverez ligoté dans le vestiaire. Vous je ne sais pas, mais moi je porte plainte contre lui pour, entre autre, tentative d’homicide involontaire. Les vigiles sont prévenus, ils arrivent.
- Monsieur Bakula, je suis impressionné. Vous faites vraiment honneur au personnage que vous interprétez, ce Samuel Beckett. Je suis d’ailleurs curieux de voir ce que vous donnez sur scène. Donald, pouvez-vous continuer sans cette caméra et ces projeteurs ?
- Oh oui, on va s’arranger. Hein les gars ? Allez au boulot, caméra 1, on recharge. Caméra 2 en place. Scotty, passe une veste propre et action !
Lorsque Sam se tait enfin, un rare silence pèse sur le plateau stupéfait. Donald en oublie de dire « Coupez ! » et personne ne bouge. Le leaper, gêné, se demande un peu ce qui se passe. Certes, il a un peu dévié du texte qu’il était censé dire, emporté dans sa propre expérience, mais cela ne peut être ce qui provoque la réaction de l’assemblée… si ? Il a parlé du fond du cœur, du fond de l’âme, du fond du temps. De son terrible mal du pays, du manque de ses amis et de ses parents, de son exil dans les années enfuies, héros solitaire se battant et se débattant pour le bien et la tolérance, sans se laisser abattre par l’ampleur de la tâche. Sa lassitude parfois de passer son temps à sauver des étrangers en y sacrifiant sa propre vie, sa colère contre ce qui le déplace ainsi d’époque en décennies sans lui laisser le choix, mais aussi des merveilleux moments de bonheur, des femmes et des amis qui ne le connaîtront jamais pour ce qu’il est mais qu’il n’oubliera pas malgré sa mémoire défaillante…
Une assistante se lève, elle bat des mains, les larmes aux yeux. Puis c’est un technicien qui l’imite. Un caméraman. Les envoyés d’Universal eux-mêmes. Bientôt, le studio tout entier gronde sous un tonnerre d’applaudissements - et de reniflements émus. Embarrassé, Sam quitte la scène sous les congratulations et les claques dans le dos d’une équipe en rire et en larmes.
Al (le sien, celui au chapeau rouge) l’accueille au bas des marches.
- Tu as réussi, Sam, bravo ! Non seulement la série conserve largement son financement, mais son budget est même un peu augmenté. Sa diffusion est assurée, elle va remporter de nombreux Golden Globes, des Emmy Awards et d’autres prix, et surtout toucher des millions de fans enthousiastes, au point qu’ils parviendront même à la faire prolonger de deux saisons après sa fin prévue. De nos jours, ils restent assez passionnés pour tenter de convaincre Universal d’en tirer un film ou une nouvelle série. C’est-y pas beau ça ? Oh, et il y a encore mieux, elle va inspirer plus d’un scientifique en herbe, et trois des stagiaires actuels du Projet Quantum sont de grands fans… Ils en ont même tiré des idées en cours de test pour te ramener, Sam !
L’hologramme est interrompu par Donald Bellisario qui se jette dans les bras du comédien.
- Scott, tu as toujours été bon acteur, mais là ça passe tout, on aurait juré que tu étais vraiment Sam Beckett. Je ne pourrais jamais assez te remercier ! Et… oh… Mademoiselle…
L’autre Sam vient d’apparaître à leurs côtés.
- Alors Scott, tu ne me présentes pas à ton amie ?
- Euh, si bien sûr. Voici… Melora Hardin. Elle est actrice.
- Vous êtes ravissante mademoiselle… Vous savez que j’ai peut-être un rôle pour vous ? Une histoire en trois parties à laquelle j’ai pensé la nuit dernière, cela vous tenterait ?
- Oh oui, avec plaisir !
Tandis que Sam jette un coup d’œil surpris à Al, les éclairs du voyage temporel emportent le Sam du futur vers une autre destination dans le temps. Al tripote son handlink tant et plus, jusqu’à trouver une explication.
- Ca alors, Sam, Bellissario invitera Melora à dîner demain soir, ce qui neutralise la menace pour laquelle tu viendras la sauver. Du coup, deux missions réussies en une, ça c’est du boulot propre. Oh, et tu sais quoi, elle va effectivement jouer pour lui dans une trilogie qui aura beaucoup de succès, et devine dans quel personnage ?
- Ne me dis pas… Abigail Fuller ?
- Bingo !
Bellisario se tourne vers Sam.
- Qu’as-tu dis ? Abigail Fuller ? Oui, très bien comme nom, j’en cherchais un justement. Tu sais que cet après-midi, tu m’as autant sauvé la vie qu’aux observateurs ?
- Ecoute Don, il faut peut-être que je te dise quelque chose… Je suis vraiment Sa…
Mais non, les règles sont les règles ! Sa mission accomplie, le physicien n’a pas le temps d’achever et se transmute à son tour.
- Epilogue -
Sam ouvre lentement les yeux, tente déjà de faire le point tandis que les derniers éclairs de la transmutation s’évanouissent. Il est allongé sur une sorte de couchette pas spécialement confortable, dans une petite pièce aux murs métalliques dont la texture ne lui est pas habituelle. Il se redresse sur les coudes, puis pivote et s’assoie sur le rebord du lit en cherchant désespérément des repères familiers dans les quelques objets étranges qui meublent la chambre. Un bip discret se fait entendre, suivi d’une voix jaillie de nulle part.
- Vous allez bien, monsieur ? Nous avons détecté un brusque flux de particules quantiques venant de votre cabine.
Sam fait la grimace. Il a dû tomber chez des militaires, sans doute à bord d’un navire de guerre ou d’un sous-marin. Eux seuls ont la technologie nécessaire pour détecter les subtiles traces d’un quantum leap.
- Oui oui, aucun problème. Ce n’est sans doute qu’une perturbation passagère…
Il plisse les yeux, espérant cohérent que la personne qu’il incarne fasse ce genre de réponse, mais il semble que oui - en tout cas son interlocuteur invisible s’en contente et coupe la communication. C’est ce moment que choisit Al pour apparaître, assez rapidement pour une fois.
- Saaaam, tu ne vas jamais me croire !
- Quoi, encore ?
- C’est pas possible ! Ziggy est encore en pleine surchauffe et de toute façon elle sera incapable de t’aider sur ce coup-là… Tu te souviens quand tu es arrivé dans la peau de ton aïeul en pleine Guerre de Sécession ?
- Et comment ! La seule exception apparemment pour que je puisse me déplacer au-delà de ma propre durée de vie, grâce à la similarité génétique de mon hôte. Pourquoi donc ?
- Et bien tu as remis ça mon vieux.
- Tu veux dire que je suis dans un bâtiment de la seconde guerre mondiale ? Non, c’est impossible, ni mon père ni mon oncle n’ont servi dans la marine, et de toute façon les techniciens des années 40 n’auraient pas su détecter les particules quantiques.
- Qui te parle d’ancêtre ? Regarde par la fenêtre.
Sam se tourne vers le hublot sombre auquel il n’a guère prêté attention jusque alors… et se fige, pâle comme un linge. Dehors, c’est le ciel noir, insondable, infini, nébuleuses somptueuses et innombrables ; et les étoiles, des millions, des milliards, tendant leurs bras de poussière d’ange, chantant l’appel envoûtant de la galaxie étendue à ses pieds.
Surexcité, Al trépigne sur place.
- Tu as bondi au début du XXIIème siècle, mon gars, dans la peau de Jonathan Archer, ton descendant à la cinq ou sixième génération. Félicitation, tu es capitaine de l’Enterprise NX-01 !
La cabine vacille autour de lui, un long frisson lui parcourt la colonne vertébrale et Sam croit soudain manquer d’air.
- Oh bravo !
- Fin -
Deux mots de l’auteur
Je considère vraiment Quantum Leap comme une des meilleures séries que je connaisse. Parlez-en et participez à la campagne pour obtenir un film ou d’autres saisons !
quantum.anotherlight.com/campagne/campagne.html
J’espère que vous avez eut autant de plaisir à lire cette nouvelle que moi à l’écrire. Si c’est le cas, souvenez-vous qu’un petit message (même simplement « J’ai lu ») fait énormément plaisir, alors n’hésitez pas à envoyer vos commentaires et réactions.
zarkass@gmail.com
Vous trouverez d’autres textes de mon cru, dont quelques fanfictions de l’univers « Highlander », sur mon site perso, www.zarkass.com, rubrique « nouvelles ».
Merci de m'avoir lu,
Keep the leap,
Frédéric
|
|
|