Axum




La route, parfois excellente, parfois simple piste, continue au nord puis oblique vers l'est, le long de la frontière avec l'Erythrée. La situation est un peu stabilisée, mais reste tendue. D'ailleurs, on voit régulièrement des camps de réfugiés de l'ONU ou des organisations norvégiennes, qui tentent de proposer des conditions décentes (notamment un accès à l'eau et un minimum d'éducation) aux gens qui parfois vivent dans les camps, apatrides et sans espoir d'amélioration, depuis plusieurs générations.



Il y a très peu de véhicules privés et tout le monde marche, à commencer par les écoliers et étudiants qui font deux fois par jour des kilomètres sous le cagnard, leurs cahiers dans une main et un bidon d'eau dans l'autre.





On est toujours en altitude, et les échappées sur les montagnes dévoilent de magnifiques dégradés. Toutes les pentes un tant soit peu accessibles sont couvertes de terrasses, mais qui semblent le plus souvent assez sèches et peu fertiles. Lorsque la pente est raisonnable et l'irrigation possible, le paysage devient vert d'un coup, avec des carrés proprement cultivés qui s'enchaînent. Notez l'utilisation ingénieuse des accacias qui mettent naturellement leurs branches à l'abri des animaux pour stocker le foin, en greniers à ciel ouvert gratuits et très efficaces... tant qu'il ne pleut pas.



Les villages, nombreux et très simples, sont groupés au choix autour de leur mosquée ou plus souvent de leur église.



On arrive à la ville moderne d'Axum, en intenses travaux au point que même notre super chauffeur a du mal à trouver un passage et l'hôtel prévu. Le centre-ville se couvre d'immeubles plutôt pas mal, il faut juste éviter de regarder comment ils sont construits ! Notamment les escaliers, dont les marches ne sont jamais régulières.





Outre les boutiques locales et celles de chinoiseries, de meubles et d'alcool, on trouve un peu d'artisanat, notamment les paniers en forme de plat à tajine colorés destinés au transport des injeras, et aussi des antiquités plus ou moins authentiques mais souvent fort belles.




Enfin, nous voilà sur le site historique d'Axum, où une civilisation avancée prit son essort dès le Vème siècle avant notre ère. Elle a notamment laissé d'étonnants obélisques en granit gravés de fausses portes, fenêtres et poutres, comme un gratte-ciel antique. A leur sommet, des emplacements vides laissent penser qu'il y avait des plaques de métal. Véritable champs de stèles de 1 à 33 mètres de haut, transportées depuis la carrière à 4 kilomètres grâce aux pouvoirs de l'Arche d'Alliance... ou plus probablement avec des éléphants et des rondins.



Ci-dessous, la stèle de Rome mesure 24,6 m. et pèse 170 tonnes. Mussolini l'avait emportée dans sa capitale (en la coupant en morceaux pour pouvoir la transporter), d'où son nom. Elle a été rapatriée en 2005.



La plus grande de toute, celle du roi "Ramhai", faisait tout de même 33 mètres et 520 tonnes, c'est le plus gros monolithe jamais érigé par l'homme. Mais la fondation largement sous-dimensionnée, à peine 3 mètres, était un "bon gros fail"... Sîtôt dressée au IVème siècle, elle a basculé, se brisant en 5 morceaux et détruisant dans sa chute l'énorme dalle de 360 tonnes couvrant un tombeau. Depuis 1600 ans, elle gît, symbole de la chute du paganisme : d'après le guide, à compter de ce jour, interprétant cela comme un signe divin, ce peuple s'est converti au christianisme.



Ci-dessous, Nefas Mawsha, la tombe de la fausse porte, reprend le symbole de la porte en trompe-l'oeil de granit. On descend dans un réseau souterrain dont les parois de pierre parfaitement ajustées rappelle vraiment la virtuosité des tailleurs de pierres incas. Au premier plan de la photo de gauche, on distingue une règle graduée, elle-même en granit.




Face au site antique, Sainte Marie de Sion déploie son vaste dôme moderne. On retrouve le principe du campanile, disproportionné et rappelant les stèles axumites. Hailé Selassié l'a fait construire en 1960 pour donner un lieu de culte aux femmes souvent interdites d'accès dans les lieux saints anciens.



L'intérieur très coloré illustre la Bible de façon naïve





Ci-dessus, ce n'est pas une mosquée d'Asie Centrale malgré ce dôme carrelé de turquoise, mais un lieu particulièrement saint : contrairement à ce que prétend Indiana Jones, ce serait en effet ici même qu'est conservée loin de tout regard profane et scientifique l'Arche d'Alliance, dont chaque église du pays possède une copie symbolique. Le seul y ayant accès est un gardien choisi par son prédécesseur depuis la nuit des temps.



Un peu plus loin, l'ancienne église Sainte-Marie de Sion est réservée aux hommes (y compris pour la visite). On y trouve les peintures habituelles de la Vierge à l'Enfant, mais avec un détail amusant : deux panneaux symétriques se côtoient, l'un où les personnages sont africains, l'autre européens ! La pierre à droite est un trône où ont été couronnés 261 rois.



On passe ensuite devant "les bains de la reine de Saba", qu'elle ne dut pourtant pas connaître puisque ce réservoir non daté lui serait postérieur. En partie bétonné dans les années 60, il sert toujours de stockage d'eau, mais aussi pour le bétail, la lessive ou de piscine...





A quelques kilomètres de là, les tombes des rois Kaleb et Gebré Meskel sont creusées dans une colline. Là aussi, les pierres s'emboîtent sans mortier avec une précision extraordinaire. Mais les cinq chambres funéraires et les trois sarcophages n'ont a priori jamais servi. En effet, ils ont été bâtis au VIème siècle, soit au moment où le christianisme prenait vraiment pied. Les souverains se sont convertis en cours de route et ont changé d'avis pour leur rituel funéraire ! Les motifs se juxtasposent sur les murs, comme sur les monnaies retrouvées, les symboles du soleil et de la lune cèdant place à la croix.





Sur le retour vers la ville, une petite cahute abrite la pierre d'Ezana, sorte de pierre de Rosette locale, découverte en 1988 par des paysans. Datée de 330-350, elle comporte une inscription en sabéen, ge'ez et grec, rapportant les titres et victoires du roi Ezana.



On termine par le palais de Dungur, aussi appelé de la Reine de Saba. 50 pièces, dont des salles de bains, cuisine avec four de brique, salles de trésor cachées, escaliers suggérant un étage... On n'est pas sûr que la mythique reine ait bien vécu ici, mais son empire couvrait un vaste territoire jusqu'au Yémen, et contrôlait le commerce sur la mer Rouge. Cliquez sur l'image ci-dessous pour le panoramique plein format.





Enfin, un vaste champ de petites stèles penchées du IIème siècle s'étend entre le palais et la ville, mais il reste largement inexploré. Une aubaine pour les archéologues à venir, mais il y a tant à faire dans le pays...




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