Route vers Bahir Dar


On attaque directement au saut de l'avion par douze heures de route plein nord. Bien sûr c'est un peu long mais on ne l'a pas regretté tant ce fut une excellente introduction au pays, l'occasion de découvrir calmement ce qui formera ensuite l'arrière plan des déplacements : des routes souvent bonnes en principe mais semées de pièges, entre des trous bien masqués, de nombreux ralentisseurs parfois justifiés, souvent aussi stupides qu'en France (c'est dire), mais aussi l'irruption possible à tout moment d'animaux et de gens, et l'absence de toute direction. Notre chauffeur s'est montré tout à fait au point, avec une conduite fluide et une connaissance parfaite du terrain, à croire qu'il a mémorisé tous les nids-de-poule du pays !



Parfois plus qu'un voyage dans l'espace, on a l'impression d'avoir remonté le temps. La saison des pluies est à l'autre bout de l'année, et les moissons sont presque terminées sur le vaste haut-plateau qui s'étend au nord de la capitale. A perte de vue, les champs commencent à se reposer, parsemés de meules de foin (dont chaque région possède sa forme) et de bétail. Une scène paisible comme en peut en voir dans la Beauce... jusqu'à ce qu'on s'approche des paysans : tout est fait à la main, à l'ancienne. Les femmes et les enfants glanent à la recherche de grains oubliés, les épis sont ramassés à la fourche, battus sous les sabots des boeufs, et transportés à dos d'âne... ou d'homme. Il s'agit surtout de tef, une céréale proche du blé qui forme la base de l'alimentation, et on voit parfois de vastes greniers modernes gérés par le gouvernement qui fait des stocks. Les grandes famines du passé étaient essentiellement dues à une gestion politique catastrophique, mais elles ont laissé des souvenirs.





Le logement est une question cruciale dans un pays dont la population a décuplé en quelques décennies et qui reste très majoritairement jeune et rurale. On construit donc partout, le pays est un vaste chantier tant dans les villes que les campagnes. Les traditionnelles huttes à toit de chaume tendant à être supplantées par des maisons construites à partir de branchages, couverts de torchis puis parfois crépis et peints, le tout coiffé de tôle ondulée. Quand les centres urbains les rattrappent, elles sont à leur tour remplacées par des bâtiments à étages en parpaings.



Si on peut à la limite se passer d'électricité ou se contenter d'un petit panneau solaire ou d'un câble hâtivement tiré depuis un pylône proche, pour l'eau c'est plus compliqué. La plupart des villages n'ont pas encore l'eau courante, et les routes du pays sont sillonnées de gens transportant l'eau dans des bidons jaunes. Parfois aidés d'un âne, le plus souvent dans le dos, sur la tête ou à bout de bras.



N'oublions pas les églises, omniprésentes, du petit autel en tôle jusqu'à de beaux bâtiments colorés. Au bord de la route, prêtres et diacres font la quête pour en bâtir d'autres ou agrandir les existantes.







Rapidement, le paysage se valonne, la route monte et nous rappelle qu'une bonne partie du pays est en altitude, ce qui explique notre souffle un peu court (nous sommes déjà à près de 3000 m.), et les vues spectaculaires qui s'ouvrent au détour d'un virage.



Les gorges du Nil bleu signalent que l'on est bientôt arrivés. Il rejoint le Nil blanc au Soudan avant de devenir le fameux fleuve d'Egypte.



De nombreux petits vendeurs attendent le chaland au bord de la route, tendant trois citrons, une papaye, une bouteille de coca à l'étiquette décolorée par le soleil, ou comme ci-dessous à droite, proposant des sacs de charbon de bois pour le chauffage et la cuisine.



L'arrivée (enfin !) à Bahir Dar s'avèrera ressembler à celle des autres villes, sans aucun attrait touristique : des alignements d'immeubles en construction, de boutiques en tôle et de larges belles avenues plantées qu'on devine dimensionnées pour la circulation à venir, mais qui ont déjà fort à faire avec l'activité présente. L'hôtel aussi ressemblera à la plupart de ceux qu'on aura ensuite dans cette gamme de prix, à savoir les moins chers de ceux destinés aux étrangers : un service agréable et une propreté tout à fait correcte, mais un entretien négligé. L'eau, l'électricité et le wi-fi sont présents mais pas toujours fonctionnels, il y a parfois des moustiquaires, jamais de ventilateurs, et on y dort généralement pas trop mal... à moins d'être trop proches d'un carrefour animé ou, pire, d'une église ou d'une mosquée bien décidée à ne pas laisser ses fidèles oublier les prières très matinales ;-)


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