Gondar


Nous partons pour quelques heures de route vers le nord, à travers des paysages toujours aussi valonnés et bien plus verdoyants que l'image d'Epinal aride qu'on peut avoir de ces pays (et qui n'est pas volée, mais dans d'autres régions), avec toujours beaucoup de monde dans les champs après les moissons, notamment pour glaner.



La plupart des arbres sont des freluquets qui ont à peine le temps de pousser qu'ils finissent en supports pour les murs de maisons ou en bois de chauffage et de cuisine, mais parfois, des géants ont traversé les âges, et abritent sous leur ombre majestueuse tout un village à l'heure des palabres.



Le long des routes, on trouve aussi nombre de diacres et prêtres faisant constamment la quête pour entretenir ou agrandir les églises. On a l'impression qu'ils plantent des graines d'oratoires, qui germent en chapelles et deviennent avec le temps de vrais temples en tôle ondulée peinte aux couleurs du drapeau.






La ville moderne de Gondar, à l'image des autres, est plutôt laide. On note toutefois un certain effort architectural, des immeubles tentant de rappeler les châteaux qui font sa réputation, avec un succès mitigé.



L'activité commerçante est intense, avec des boutiques assez peu variées mais nombreuses. Notez ci-dessous à droite le stock de fils électriques complètement emmêlés en vrac dans la cahute, la boucherie bien sûr non réfrigérée, ou encore les cyber-cafés un peu délavés.





Entourée de terres fertiles, de beaucoup d'eau, de gisements d'or, d'ivoire, d'esclaves et d'autres richesses, et au carrefour de routes caravanières, la ville de Gondar fut choisie comme capitale par le Negus Fasiladas au XVIIème siècle. A sa mort elle dépassait 65.000 habitants et jouissait d'une fortune et d'une spendeur légendaires. Mais elle fut pillée par les Soudanais en 1887, occupée par l'armée italienne, et endommagée par les bombardements britanniques en 1941.

On peut encore y admirer un très étonnant ensemble, unique en Afrique et classé au "Atrimoine mondiale" de l'Unesco (voir de près le panneau ci-contre). Ci-dessous une vue d'ensemble, à droite le palais de Fasiladas lui-même, avec ses tours et ses créneaux d'influence très "Europe médiévale", qui serait d'ailleurs l'oeuvre d'un architecte italien.







Parmi les motifs récurrents et qui peuvent surprendre dans un contexte chrétien orthodoxe, on trouve des étoiles de David, comme ci-dessous à gauche, car Fasiladas appartenait à la dynastie Salomonide, issue du roi Salomon. Et comme disait Victor Pivert : "Salomon vous êtes juif ??". A droite, un grand réservoir d'eau pour les longs mois d'été.





Ci-dessus, la coquille vide de la chancellerie et ci-dessous, la bibliothèque de Yohannes Ier, qui renfermait de nombreux rouleaux et parchemins et a été défigurée par les Italiens. A droite, le plafond du palais d'Iyasou Ier, autrefois couvert d'or, de peintures, de miroirs vénitiens et d'ivoire.





Les grandes cages ci-dessus abritaient les lions noirs d'Abyssinie d'Halié Selassié jusqu'en 1990, poursuivant une tradition de ménagerie initiée par David III au XVIIIème. Ci-dessous, les termes construits par Iyasou Ier sur le conseil d'un médecin français pour soigner les problèmes de peau, et même la syphilis, rien que ça. Là aussi les Italiens ont tout saccagé, transformant le bâtiment ancien pour en faire une cuisine. L'avant-dernière photo est une patère traditionnelle faite d'une corne plantée dans la pierre. Et toujours les superbes jakarandas en fleurs...





Ci-dessus les écuries et la salle de banquet de Bakaffa (1720), ci-dessous le palais de son épouse Mentewab qui lui a succédé de façon très éclairée, elle a notamment mis en place des écoles pour les femmes.



Un peu plus loin dans la ville, cachée dans ses petits remparts personnels où les tourelles représentent les apôtres, la magnifique église Debre Birhan Selassie (fin XVIIIème) dresse ses vieilles pierres entre des arbres vénérables pleins d'oiseaux colorés (et de vautours, certes).





A gauche, le "clocher", comme toujours séparé du bâtiment principal et réduit à sa plus simple expression. Au centre, les (véritables) oeufs d'autruche représentant la bonté du Christ envers les hommes.



Si l'extérieur est très joli, c'est surtout l'intérieur qui rend ce lieu célèbre. Les peintures ne sont pas les plus anciennes mais elles recouvrent l'ensemble des murs et du plafond, avec notamment 135 chérubins représentant l'omniprésence de Dieu. Une des parois montre les héros masculins de la bible, l'autre est dédiée à l'histoire de la Vierge et de saintes. Les fidèles étaient assis de façon à faire face au mur concernant leur propre sexe. En tous cas tout le monde est couleur locale, plus réaliste que les peintures kitsch modernes avec un Jésus tout blond et rose.








Deux kilomètres après, on traverse le stade aux gradins minimalistes (ci-dessus) pour visiter les bains de Fasiladas. A l'origine un genre de palais d'été, avec la particularité d'être construit au centre d'un bassin rempli d'eau, qui servait aux fêtes religieuses mais aussi, fait a priori unique pour son époque (fin XVIIème), de vaste piscine de loisir pour ce roi amateur de natation (et qui ne pouvait profiter de la rivière à la faune trop dangereuse). Les cérémonies de Timkat, mi-janvier, célèbrant le baptême du Christ perdurent de nos jours ; la foule se baigne alors dans le bassin remis en eau pour l'occasion (il n'en restait qu'un fond à notre passage).






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