Dire Dawa et Harar 1
Passage éclair par Addis-Abeba où on doit à grand regret abandonner notre relativement confortable voiture et surtout notre super chauffeur Engeda, avant de prendre un petit vol intérieur pour Dire Dawa, quelques centaines de kilomètres à l'est vers Djibouti. La ville est moderne et sans autre intérêt que ses infrastructures, aéroport donc, mais aussi gare historique du train consruit par les Français entre la capitale et la côte de Djibouti. Il paraît qu'aujourd'hui encore les cheminots parlent entre eux en français et jouent à la pétanque !



A part ça, Dire Dawa est surtout une plaque tournante commerciale, avec un vaste marché totalement basique et déglingué, les marchandises à même le sol, du recyclage en boucle de trucs usés jusqu'à la corde...



L'ambiance est assez lourde, un guide nous accompagne de près et n'est pas de trop, les marchands ne semblant guère apprécier notre présence ni les photos.



C'est riche de couleurs, de sons et d'odeurs, mais nous n'y passons qu'une heure avant de reprendre une voiture pour le sud et la bien plus accueillante Harar.





Une grosse heure de route à travers une campagne assez aride nous amène en vue de la mythique Harar, avec près de 200.000 habitants, et tout de même perchée à 1850 mètres d'altitude. Ce qu'on en voit en premier, ce sont des banlieues inachevées, puis un centre-ville moderne avec des immeubles colorés à défaut d'être esthétiques, des centres commerciaux, d'imposantes statues, et la large avenue "Charleville-Mézières" sur laquelle donne notre excellent Ras hôtel.







Les monuments modernes n'ont guère de charme à part le tribunal avec ses beaux vitraux, où un fonctionnaire nous vante la (récente) indépendance et efficacité de la justice.





L'attrait de la ville est avant tout son vieux quartier, un dédale de ruelles et de marchés enserrés dans ses remparts, une véritable ville-musée, colorée et envoûtante, où l'on se perd volontiers (et facilement). L'ensemble, bien préservé tout en étant habité, est classé au patrimoine mondial de l'Unesco. Ci-dessus, la porte principale, en bas de l'avenue qui arrive de la ville moderne. La ville aurait été fondée entre le Xeme et le XVIème siècle selon les sources ! Elle est notamment connue des Français pour avoir accueilli Arthur Rimbaud, nous y reviendrons un peu plus loin. On a vraiment l'impression d'avoir changé de pays : ethnies et tenues différentes, climat plus chaud... mais aussi malheureusement des amoncellements de sacs et bouteilles en plastique, il serait vraiment temps que la mairie ou l'Unesco par exemple mettent en place un centre de recyclage. Certaines des plus jolies rues sont mieux entretenues.





Les couleurs étonnantes se juxtaposent sur les façades et les tenues des femmes. Le centre-ville comptait 99 mosquées, une pour chaque nom d'Allah, mais une vingtaine s'est effondrée faute d'entretien. Il y a aussi plus d'une centaine de tombeaux et sanctuaires. Très peu d'églises orthodoxes en revanche (l'unique du centre-ville ci-dessous), mais les Hararis insistent sur le fait que les communautés vivent en bonne entente. Ci-dessus, le passage particulièrement étroit est nommé la "rue de la paix", car on ne peut s'y croiser qu'avec courtoisie, faute de place.



C'est un vrai bonheur de se balader dans ces 368 ruelles tranquilles, pratiquement sans aucun touriste. Ni boutiques ni fenêtres, tout se passe à l'intérieur des cours furtivement entrevues lorsque quelqu'un entre ou sort.





Nous sommes curieux de voir les intérieurs qui se cachent derrière ces portes, mais nous n'osons bien sûr pas frapper. Le guide qui tient à nous accompagner lors de l'une des balades en ville nous en donne cependant l'opportunité, en nous emmenant chez une ses connaissances. Ce n'est pas une boutique, juste une déco très portée sur les paniers tressés ! Ces maisons en argile à poutres de bois s'appellent des "gegar". Il reste 2000 de ces habitations Adare typiques où l'on trouve traditionnellement 11 niches pour stocker la vaisselle, le Coran et aujourd'hui les appareils modernes. Une étagère est dédiée aux pots "aflala" (à droite), en argile noire, pour ranger l'argent, l'or, les médicaments et des graines. Un support pour les lances est aussi prévu.



L'étroitesse des rues n'empêche pas un trafic intense, et si les voitures ne passent pas, ça ne dissuade pas les "Bajaj" de se frayer un chemin au millimètre près.





L'une des ces rues pavées en pente se nomme "Machina gilgit", d'après le bruit incessant des vieilles machines à coudre à pédale des dizaines de tailleurs installés sur l'absence de trottoirs, qui assemblent, reprisent et confectionnent pour un prix modique tout qu'on peut imaginer.



Une des caractéristiques d'Harar, ce sont aussi ces grands balcons à l'équilibre parfois précaire.



Parmi les plus belles maisons, celle du ras Tafari (qui y a passé sa lune de miel) a été bâtie par un marchand indien (il y a un Ganesh incongru au-dessus de la porte !). Elle abrite le musée Sherif Harar, avec une collection peu mise en valeur d'armes, pièces, sculptures, et peintures d'une naïveté parfois déconcertante.



Une autre très belle maison était celle dont Rimbaud envoyait des photos à sa mère pour lui montrer comme il était bien logé en Ethiopie. En pratique, il vivait plus modestement, mais la demeure accueille aujourd'hui le musée consacré au poète maudit, avec des photos émouvantes de lui pendant ses trafics pas toujours rentables d'armes, d'opium et de café. Il accompagnait lui-même à pied ses caravanes, fut le premier Blanc à entrer dans l'Ogaden (au sud-est) et connut moults déboires, avant de revenir mourir à Marseille à 37 ans.



Ci-dessous la grande mosquée Jami, au-millieu la cathédrale Medhane Alem sur la place Feres Magala, avec un monument aux martyrs des opposants à Menelik.



Parmi les nombreux lieux saints, on trouve aussi des tombeaux comme ci-dessous celui de l'émir Nur, qui fit construire les murailles de la ville.



Les remparts datent du XVIème siècle, sur 5 mètres de haut ils font le tour de la ville historique sur 3,5 kilomètres et devaient la protéger de l'avancée vers le nord des Oromos. Ce n'est qu'au XXème siècle que la ville a osé se développer au-delà des murs. Ils sont percés de 5 portes d'origine, plus une sixième en 1889.



Une des traditions de Harar remonte aux périodes de disette des années 1950 : pour éviter que les hyènes affamées attaquent les troupeaux, les Hararis leur ont donné de la bouillie d'avoine. C'est devenu une attraction touristique et un deal mutuellement bénéficiaire. La nuit, les bêtes errent dans les rues de la ville pour la débarrasser des déchets, notamment les carcasses de dromadaires laissées à leur intention devant les boucheries spécialisées (ci-contre). On peut aller à leur rencontre près des portes Falana ou Erer. Si elles sont disposées et pas trop repues, elles viennent chercher du rab auprès de "l'homme aux hyènes" qui les nourrit aux baguettes. Du coup elles ne sont pas agressives, mais curieuses et disent bonjour aux visiteurs éventuels. On essaie juste de ne pas se souvenir que leur mâchoire de charognard extrêmement puissante peut briser des crânes !


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