Lalibela


On a fini par arriver en ville, perchée sur une crête au milieu des terrasses. Des quartiers modernes simples et sans grands immeubles entourent une vaste placée pavée, tout semble très calme. Notre hôtel est à moitié en ruine ou en reconstruction, ou les deux (rambarde du balcon ci-dessous !), mais les chambres sont correctes. En guise d'animation, plein de petits singes se courent après dans les arbres autour, retrouver à la page "Faune". Ne pas laisser son petit déjeuner sans surveillance même un instant, ils guettent.


Il reste quelques maisons traditionnelles, ces huttes de pierre au toit de chaume, mais elles ne sont généralement plus habitées (du moins en ville), les habitants ayant été relogés dans des constructions récentes pour permettre leur préservation.


En arrivant sur le site historique, nous tombons sur un immense mariage, avec des centaines de personnes en blanc et les époux sous des dais ; on dirait une foule biblique venue écouter le messie en personne comme dans Ben Hur.





Ce qu'on vient visiter à Lalibela c'est avant tout les églises rupestres du XIIème siècle. Mais ce qu'on voit en premier, ce sont les disgracieuses toitures (certes indispensables) installées par l'Unesco pour protéger les monuments de l'érosion, un peu comme à Malte.



Deux groupes d'églises se distinguent, on commence par celui du Nord-Ouest avec Bete Medhane Alem (Maison du sauveur du monde), qui est tout de même la plus grande église rupestre du monde, ceinte de 34 pilliers (dont certains - ceux où on distingue des joints - sont des remplacements récents des anciens effondrés). Tout le reste du bâtiment est monolithique, creusé au coeur de la colline. Peu de recul pour apprécier le tout d'un seul tenant, mais c'est impressionnant !



L'évacuation des eaux de la saison des pluie a été prise en compte à la construction (ci-dessus à gauche), mais ne dispense pas aujourd'hui des parapluies géants. Bien entendu, on se déchausse à chaque fois, et s'il y a beaucoup de touristes - plus qu'on en a vus jusqu'ici dans le pays -, la plupart des visiteurs sont des pélerins, qui se photographient avec les prêtres et embrassent passionnément les croix et les peintures. Trois nefs séparées par 38 piliers supportant des arcs en plein cintre maintiennent le plafond massif, et donc tout est creusé d'un seul tenant dans le sol rocheux.



Un peu plus loin, relié par un petit tunnel ovoide, une vaste cour excavée accueille trois églises. Ci-dessous, Bete Maryam, peut-être la plus ancienne de toutes. Bien entendu, tout est hautement symbolique, le nombre des fenêtres, des piliers, des marches, les angles, tout fait référence d'une façon ou d'une autre à la Bible. Sacré travail que ces bâtiments étonnants, creusés de 1180 à 1220. Heureusement, des anges venaient la nuit compléter le travail des ouvriers...



Des fresques très anciennes et colorées couvrent les murs, colonnes, arches et plafond de Bete Maryam. On peut notamment identifier des étoiles de David ou encore des aigles bicéphales, ou deux taureaux, un noir et un blanc, qui s'affontent pour représenter le bien et le mal.







Bete Golgotha est plus délicate d'accès, perchée sur des sortes de douves avec un étroit sentier, de la gnognotte pour nous qui arrivons des églises du Tigré. Plus rustique à l'extérieur, elle offre des fenêtres finement sculptées.





Outre ses uniques piliers cruciformes, elle renferme des peintures particulièrement anciennes et, dans une salle interdite aux femmes (allez savoir pourquoi) les statues grandeur nature des 12 apôtres, dont certaines sont cachées.



Ci-contre, encensoir en forme de colombe. Nous n'avons illustré qu'une petite partie des douze églises et autres monuments, comme le tombeau symbolique d'Adam, ou encore des baptistères familiaux creusés dans le sol, l'ensemble est si riche et si vaste qu'on aurait pu y consacrer des pages entières.

La star incontestée du site, et le monument le plus emblématique du pays, c'est l'église Bete Giyorgis (St Georges) ci-dessous. Sa roche plus dure la rendant moins sensible à la pluie, elle se passe de toit moderne. En forme de croix grecque, elle mesure 15 mètres de haut sur trois niveaux, et depuis la petite colline aménagée exprès pour le point de vue surélevé, on voit très bien la façon dont les bâtisseurs ont creusé le sol, comme s'ils construisaient en négatif.





On descend via un sentier creusé lui aussi dans le sol, et qui traverse des salles destinées à se purifier. Outre des croix reliques de rois de jadis que les fidèles bécotent, on voit là aussi d'impressionnantes voûtes, quelques peintures, mais aussi un coffre en olivier vieux de 800 ans censé contenir les outils originaux du roi Lalibela (ils doivent être usés après tout ça !). Des cavités dans le roc autour de l'église contiennent des corps momifiés.



On remet ça après déjeuner, avec le groupe du sud-est, qui réserve son lot de surprises. Certains tour-operators ne consacrent qu'une demi-journée à Lalibela et se contentent de deux-trois églises, c'est bien dommage, deux jours ne sont pas de trop pour tout voir. Ci-dessous, Bete Gabriel Rufael. Contrairement aux autres, on n'y accède pas par en bas, mais via une passerelle un peu branlante au-dessus d'énormes douves. D'ailleurs, c'était sans doute initialement le palais d'un roi axoumite du VIIème siècle. A la fois bien caché (on ne voit pas du tout de l'extérieur) et pas évident à prendre d'assaut ! Son plan est curieux, avec des différences de niveaux et de techniques, accréditant la thèse d'une construction étalée sur plusieurs civilisations et usages.





Bete Merkorios est accessible via une série de tranchées. Elle a peut-être servi de prison, et certaines parties effondrées ont été remplacées par des briques pas super esthétiques. Au premier plan, une cloche en pierre, comme aux monastères du Lac Tana.



Pour passer à l'église suivante s'impose un détour par les enfers... Mwouahahaha ! En fait un tunnel dans le noir total, où l'on imagine volontiers des gouffres insondables, et attention la tête le plafond n'est pas plus régulier que le sol. Des cavités dans les murs sont des tombes de pélerins, merci de ne pas y mettre la main. On émerge à l'autre bout par un "escalier" abrupt donnant dans une trappe, pour découvrir encore des peintures très anciennes, mais aussi très graphiques, dans Bete Amanuel.



Bete Amanuel donc, aurait été la chapelle privée de la famille royale. Les Italiens des années 30 ont fait beaucoup de dégâts, soit volontairement, soit par des tentatives très maladroites de préservation le site. A noter ici un éclairage au néon particulièrement disgracieux, on a demandé au diacre de l'éteindre et c'est tout de suite beaucoup plus beau. Prochaine étape, monsieur Unesco, mettre des éclairages plus discrets, et plus doux tant pour les yeux que pour les précieux pigments du temps jadis.



Ci-dessous, exemple de baptistère lui aussi rupestre, des sentiers d'accès chelou, et de l'érosion des roches les plus exposées. Au centre, le couloir qui relie deux églises était à l'origine à hauteur d'homme, ce serait l'écoulement des eaux de pluie qui l'aurait agrandi en un mini canyon. Tiens d'ailleurs, voici quelques gouttes de pluie, les seules de notre séjour.



Pour finir, Bete Abba Libanos, qui contrairement aux autres reste solidaire de la paroi rocheuse par son toit. Elle aussi s'est en partie effondrée et on voit nettement les morceaux reconstruits. Elle est toutefois entourée d'un couloir ouvert, que seuls des rideaux délimitent, c'est assez étrange. Une église inachevée ? Une grève des anges ?




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