Quelques kilomètres avant d'atteindre Siauliai se dresse une petite colline, à peine un monticule, qui est l'un des sites les plus délirants que nous ayons eu l'occasion de visiter. Kryziu Kalnas, la Colline des Croix, regroupe près d'un demi-million de croix. La tradition remonte au XIVeme siècle, les croix se multipliant surtout après les soulèvements sanglants anti-tsaristes. Cependant les Soviétiques, évidemment, n'apprécièrent pas l'endroit. Rasé à plusieurs reprises, il a à chaque fois ressurgi malgré les peines d'emprisonnement punissant la pose de croix (c'était devenu un symbole de résistance). Depuis l'indépendance en 1991, leur nombre a explosé.







Des croix minuscules, très grandes, en bois, en laine, en crayons, en papiers de bonbons, en métal, en tuyaux, en bambou, en pots d'échappement de Harley Davidson, qui se superposent, s'accumulent jusqu'au tournis oppressant. Des croix toutes simples, sculptées, ouvragées, brutes, archaïques, en plastique clignotant, en cuivre, en coquillages, pétrifiées, putréfiées, peintes, vernies, kitsch, bricolées, en verre, émouvantes, naïves, avec des inscriptions dans toutes les langues et des symboles issus d'autres religions... Des miliers de chapelets, parfois énormes en ambre, des statues de Vierges et de Christ pensif (Rũpintojelis) ployant sous le poids des ex-votos...





Pour nous, mécréants de première, l'endroit a une atmosphère morbide, entêtée, vraiment très étrange. Le summum du fétichisme, mais aussi un symbole fort d'une résistance acharnée à l'oppression et à l'acculturation.











Bref arrêt à Siauliai, pas grand chose à voir mais pas désagréable, propre, très loin de l'image négative du pays. Le paysage est toujours aussi plat et les routes rectilignes, mais les denses forêts ont cédé la place à d'interminables plaines agricoles. Les chaussées sont plus déformées, mais ça reste tout à fait correct... du moins sur les grands axes, toutes les routes secondaires semblent n'être que des pistes. Les voies sont étroites et la circulation assez dense, et surtout comme les gens ne sont clairement pas habitués aux grosses motos, et ne comprennent pas qu'on garde des distances de sécurité, ils se donnent un mal fou pour nous doubler à tout prix. Ils se rabattent juste devant, nous ayant copieusement enfumé au passage... et il suffit de quelques dizaines de mètres de visibilité pour qu'on dépose à nouveau tout ce petit monde d'une infime rotation de la poignée.
Jusqu'au moment où, sur une des rares 4-voies dégagées, la police nous fait signe. Mais, pourtant je suis au régulateur pile poil à 110 ! Ah non, comme par hasard, sur cette section et sans qu'on ait vu de panneau, c'était 90... On écope de 15€ de PV, qui sera à régler dans une banque en ville. Pas eu moyen de négocier, mais on ne se plaint pas trop : la même chose en Norvège nous aurait coûté le centuple !