Ici, avant, c'était la mer. Mais la mer, elle est partie ! A la place, y'a les Carpates, beaucoup moins marin comme paysage. En souvenir, il y a du sel, beaucoup de sel, déposé il y a 14 millions d'années et récolté depuis plusieurs millénaires. Pour l'exploiter à sa juste valeur, à une époque où le sel valait son poids en or (le mot "salaire" vient d'ailleurs de "sel"), les Polonais ont construit l'extraordinaire mine de Wieliczka.

S'étendant sur neuf niveaux sur plus de 300 mètres de profondeur, avec 30 kilomètres de galeries taillées du XIIIème siècle à 1927, cette mine produisait le tiers de la fortune de la couronne. Aujourd'hui classée au patrimoine de l'Unesco, on n'en visite qu'une partie des trois premiers niveaux, et c'est déjà fort impressionnant.





On commence par un escalier de 390 marches, menant à 135 mètres sous la surface. Un guide parfaitement francophone et marrant nous accompagne, pour expliquer les dimensions hors norme de ce lieu unique. Par exemple un million de mètres cubes de bois a été utilisé pour étayer toutes ces galeries creusées à la main.





Les chevaux ont été utilisés jusqu'en 2002. Des reconstitutions animées présentent le travail éprouvant des mineurs, toutefois mieux traités que ceux qui exploitaient le charbon : au lieu de leur détruire les poumons, le sel est plutôt bon pour la santé. Ça ne devait quand même pas être la joie tous les jours, avec une chaleur infernale, loin sous terre, l'équivalent de coups de grisou... Au moins, ils avaient un salaire décent, un certain respect et même une forme de retraite. Il reste des machines de bois en état de fonctionnement qui servaient notamment à acheminer le sel vers la surface et descendre les ouvriers et les animaux.



C'est surtout le sel gemme qui était exploité, des cristaux parfois gros comme le poing. Mais aussi la saumure, forme primitive d'extraction et qui est toujours exploitée de nos jours, mais surtout pour garder la mine hors d'eau (les plus bas niveaux sont sous l'eau depuis les inondations de 1993). Avec le temps, tout se transforme en sel, à commencer par le bois des soutènements, littéralement fossilisé en quelques décennies. Les tunnels sont creusés dans les veines de sel dur comme du marbre, et même les dalles du sol ne sont que des motifs dessinés sur le sel.



A force de creuser toujours plus loin, des salles énormes ont été soutirées au sous-sol, etayées par des armatures de bois peint en blanc (à la fois pour palier l'éclairage chiche - difficile de s'en rendre compte avec l'abondante lumière électrique moderne - et comme protection contre le feu). Ces charpentes prennent parfois des airs de cathédrale...





Autre cathédrale, mais cette fois, une vraie. Creusée de 1895 à 1927, 54 mètres de long et 12 mètres de haut, elle a une accoustique exceptionnelle et accueille des concerts (faut dire, 200 mètres de couche d'isolation au plafond, ça le fait !). Ci-dessous à gauche reproduction de la Cène de Léo de Vinci en bas-relief de sel, une des chapelles, et gros plan sur les lustres, entièrement faits en cristaux de... de... sel, oui !





Mineurs artistes ou artistes mineurs ? De nombreuses statues de sel ornent les galeries et salles. Ci-dessus variations sur la Vierge et l'inévitable Jean-Paul II le retour. Ci-dessous un nain de jardin, Copernic, des mineurs, un dragon pas en sel, la princesse Kinga qui avait prédit que l'on trouverait du sel ici (plusieurs tableaux narrent son histoire) et un militaire.





La boutique regorge de produits variés à base de sel : sels de bain, sels de beauté, sel alimentaire, sel décoratif, statues de sel d'un goût parfois exquis (qui ne rêve pas d'avoir l'effigie de Justin Bieber en sel dans son salon ?)... Ci-dessous, l'une des salles qui a tout du repaire de grand méchant dans James Bond, chariots pour les touristes du XIXème (le "train de la mine" original !), un lac souterrain de quelques centimètres de profondeur (qui accueillait des promenades en barque jusqu'à ce qu'un visiteur éméché arrive à s'y noyer, et entre la faible profondeur et la salinité extrême qui empêche de couler, faut le faire !). En dessous, un sanatorium et un centre de conférence.